Bienvenue pour cette fête exceptionnelle des 30 ans de notre ASBL. Vous avez voulu vous associer à cet événement: nous n’avons jamais été aussi nombreux, plus de 90 convives.
Beaucoup de «jeunes travailleurs» n’ont pas connaissance du chemin parcouru en 30 ans. Après un bref historique, je développerai certaines valeurs qui sous-tendent notre action. Nous fêterons nos trentenaires, et Jean-claude nous présentera ensuite un montage pour illustrer ces trois décennies riches d’événements. Bien évidemment, notre Président Mutien-Marie Gilmard prendra la parole pour clôturer cette séance protocolaire. Notre soirée se poursuivra par le repas festif, suivi d’une soirée dansante.
Rappelons-nous qu’en 1978, quelques Frères des Écoles Chrétiennes, fondaient le Centre Mutien-Marie qui se composait d’un Institut Médico-Pédagogique et d’une école secondaire Spéciale pour enfants handicapés. En 1982, suite à de nouvelles lois, l’ASBL se sépara de l’école pour connaître une vie autonome sous le nom de «Centre Mutien-Marie».
Assez rapidement les responsables se rendirent compte que certains enfants ne pouvaient suivre régulièrement les cours même d’un enseignement spécialisé. Il fut décidé de créer le Centre Occupationnel pour enfants non-scolarisés. Cette année là, une section s’ouvrait à Nismes. Après quelques années, la section se rapprocha de Philippeville, pour venir s’installer dans la petite fermette de Jamagne où elle prit le nom de «Pouly»: «poulailler» en wallon.
En 1986, voyant que sa population vieillissait et que rien n’était organisé dans la région pour les handicapés adultes, le Centre Mutien-Marie, sous la direction du Frère Molitor, crée un premier centre de jour à Yves-Gomezée «La Roseraie» en vue d’accueillir une quinzaine d’adultes non-travailleurs. En 1987, vu le succès de ce premier centre, «Le Tournevent» est créé dans le village d’Anthée. Il peut accueillir 18 adultes.
En mars 1988, les frères me demandent de reprendre la direction de notre Association. étant donné l’énorme demande, le centre de Jamagne sera lui aussi transformé en service pour adultes non-travailleurs au 1er janvier 1989… Encore un anniversaire en vue … Continuant sur sa lancée, le Centre Mutien-Marie créera en janvier 1992, son quatrième centre de jour dans la région de Ciney: «Le Gaty» de Pessoux.
Sous la demande pressante des parents vieillissants, c’est en 2001 que nous ouvrons un service d’accueil de nuit: «La Chevalerie». Ce service, situé à Rosée, est placé au centre de nos quatre maisons. Depuis le 01 09 2003, La Chevalerie est agréée et subsidiée par l’AWIPH.
Certains résidants aspiraient à davantage d’autonomie. Nous avons créé un service résidentiel de transition en 2006: «Le Ponceau».
En trente ans, nous sommes passé d’un accueil de 60 ados de 12 à 21 ans en un ensemble de services pour adultes de 18 à 62 ans agréés pour plus ou moins 135 places. En 1988, l’ASBL déclarait un patrimoine de 1 770 000 FB, en début 2008, l’actif cumulé de «Centre Mutien-Marie» et de «Maisons de l’Espoir» était de 3 055 550 €, soit septante fois supérieur. En 1988, nous avions 24 travailleurs aujourd’hui 67. Notre population accueillie a augmenté de plus de 125 % et cela en plein moratoire. Notre pédagogie s’affine et se perfectionne au fil des années, ce qui est certainement pour nous le plus important. Voici un extrait d’un rapport d’inspection de l’AWIPH concernant notre ASBL: «Le projet institutionnel, repensé chaque année au cours d’une journée d’évaluation a gagné en force et en maturité grâce au travail de toute l’équipe éducative motivée. Ces services d’accueil de jour pour personnes handicapées possèdent tous les éléments pour viser l’excellence: ils n’en sont pas loin d’ailleurs!» … C’est à ces moments-là qu’on aime les inspecteurs … déclarait un patrimoine de 1 770 000 FB, en début 2008, l’actif cumulé de «
Pour illustrer les valeurs qui ont permis de développer le Centre Mutien-Marie et d’en faire une succès story, je voudrais vous raconter deux petites histoires.
D’abord, une histoire berbère: un fils, devenu adulte, doit quitter son père et découvrir la vie. Père, dit-il, explique-moi ce que je dois faire pour développer des relations harmonieuses avec les autres personnes que je vais rencontrer. Cela fait longtemps que je vis dans le désert avec toi et je connais mal les hommes. Le père réfléchit un moment, puis lentement il prend dans chacune de ses mains une poignée de sable. Avec la main droite, il sert très fort le sable et il laisse l’autre ouverte.
Après un moment, il montre ses deux mains ouvertes à son fils. Dans la droite, il reste quelques grains humides qui forment une sorte de pâte noirâtre écrasée dans le creux de la paume. Dans l’autre, il y a un monticule de sable clair et sec qui brille de mille feux dans le soleil couchant. Tu vois dit le père: si tu laisses les gens s’épanouir dans la liberté et la tolérance, ils donneront ce qu’ils ont de meilleur et de plus beau. Sinon, ils se recroquevillent dans la médiocrité et la tristesse comme ces grains de sable sans lumière.
Cette première valeur est donc la tolérance mais plus encore l’émerveillement de la différence. J’ai toujours soutenu que l’activité éducative était à l’intersection de trois réalités: la première est celle de la personne handicapée, de ses capacités mais aussi de ses désirs; la deuxième, c’est l’environnement de la section: social, géographique, économique, …
On ne pourra pas faire la même chose en ville ou à la campagne, à Pessoux ou à Yves-Gomezée; et la troisième, c’est la personnalité et la richesse de l’éducateur. Apporter sa différence et sa passion dans l’activité est certainement un gage de qualité. Soyons sensibles à la différence de la personne en situation de handicap que nous côtoyons. Cela, c’est le plus évident voire le plus facile. Je vous invite aussi à vous émerveiller de la différence de l’autre, de votre collègue immédiat mais aussi du travail des autres sections.
La deuxième histoire se passe en Italie, au moyen-âge. Un seigneur invite tous ses amis à une fête qu’il veut grandiose et fraternelle. Pour mieux souligner cette convivialité, il propose à ses invités de venir à la réjouissance en apportant une bouteille de son meilleur vin et de le vider incognito dans une grande outre à l’entrée de la salle … Ensemble, ils boiront ce vin mélangé en symbole de leur amitié. Mais les uns pensèrent si je coupe mon vin d’eau qui le remarquera. Je verserai discrètement mon vin coupé dans l’outre et même si je n’amène que de l’eau, vu le nombre d’invités, personne ne s’en apercevra … ,et moi j’aurai économisé mon bon vin que je pourrais boire seul. Le problème, c’est que tous les amis du seigneur, eurent la même idée et quand l’heure des agapes sonna qu’elle ne fut pas la déception et la honte de chacun de n’avoir que de l’eau à boire.
Cette deuxième histoire montre l’importance de la participation de chacun, et je crois que vraiment tous, ici, vous donnez le meilleur de vous-mêmes. C’est pour cela que l’on a parfois l’impression d’être dans une fête sans fin au Centre Mutien-Marie. La joie rayonne dans nos sections. Nos activités, nos soupers, nos séjours de vacances, nos créations toujours riches, nos repas partagés dans la bonne humeur font qu’un sentiment de fête sereine se dégage de la quotidienneté nos services. Le Centre Mutien-Marie est un feu de paille qui ne s’éteint jamais. Quand des gens compatissants et empathiques me disent: il faut du courage pour faire le métier que vous faites, c’est une vocation, … comme s’il s’agissait d’un poids énorme … J’ai toujours besoin de quelques secondes pour comprendre ce qu’ils veulent vraiment dire. Nous savons au Centre Mutien-Marie que les personnes handicapées sont sources de joie dans leur simplicité et leur authenticité. Combien elles peuvent irradier par leur immense capacité d’amour inconditionnel!
Quelle belle transition pour maintenant remercier trois travailleurs qui sont là depuis la première heure et qui ont certainement fait preuve d’engagement et de participation.
Fée discrète qui veillant sur les corps depuis 30 ans, Marie-Françoise est celle qui a dû voir le plus de dents, d’oreilles et de pieds dans l’ASBL. Dès son arrivée dans une section, Marie-Françoise est suivie par une myriade de résidents qui se découvrent soudain des maux divers. Toujours présente pour réconforter, conseiller, guérir, Marie-Françoise suit quatre sections sur les six et infatigablement assiste, depuis 30 ans, à toutes les réunions avec régularité et parfois, plus rarement, ponctualité.
Je parlais d’une fée, ce n’est pas tout à fait exact, en effet celle-ci apparaît à la naissance d’une princesse pour donner quelques dons au jeune poupon et puis à de rares occasions. Or Marie-Françoise est là en permanence depuis la naissance du centre … jusqu’à aujourd’hui. Marie-Françoise est mieux qu’une fée, certes elle en a la douceur et la beauté, mais c’est un ange gardien, finalement c’est bien plus rassurant.
Entre l’abbé PIERRE et le capitaine Haddock, Marc est vraiment un travailleur de la première heure. Il a été un pionnier dans les changements qui ont marqué la transformation de notre Centre Mutien-Marie. Quand le Conseil d’Administration de l’ASBL a décidé d’ouvrir un premier Centre de jour, c’est naturellement vers Marc qu’il s’est dirigé. En 1986 naissait «La Roseraie». Toute la pédagogie pour adulte était à développer. C’est un univers tout à fait nouveau qu’il fallait explorer, Marc s’est engagé dans cette terre inconnue avec succès, montrant la voie. L’ASBL pouvait entièrement se convertir pour les personnes adultes. Plus tard, lors de notre premier achat de bâtiment, c’est encore lui qui démarcha longuement auprès des instances pour débrouiller un terrain complexe. Mais au milieu des épines, Marc alla cueillir la Rose (c’est le cas de le dire), et si aujourd’hui «La Roseraie» occupe ce magnifique bâtiment à Yves-Gomezée, c’est en grande partie grâce à lui. Les leçons tirées de ce travail titanesque nous ont permis de créer les «Maisons de l’espoir», notre ASBL de gestion de patrimoine, qui aujourd’hui est une véritable machine à offrir des maisons au Centre Mutien-Marie. a décidé d’ouvrir un premier Centre de jour, c’est naturellement vers Marc qu’il s’est dirigé.
Aujourd’hui, Marc apporte son éternelle bonne humeur à l’ambiance de «La Roseraie». Artisan de la terre, il extrait de la glaise, de magnifiques personnages et objets, que s’arrachent les clients de la petite boutique. Marc, c’est l’infatigable chef scout qui invite les résidents à le suivre dans de magnifiques aventures …
Je voudrais maintenant mettre à l’honneur Rose Koszulap qui n’a pas désiré assister à cette fête et je le regrette. Je sais tout ce que l’institution lui doit et combien et grand est son dévouement. Depuis trente ans, elle met au service de l’ASBL et particulièrement du «Tournevent» sa totale générosité et son amour des personnes handicapées. Nous ne la remercierons jamais assez.
Michel Gengoux, directeur général