Le Ponceau – Bâtiment Jambes 2015

La Nouvelle Gazette n° 230, vendredi 28 août 2015

Cinq handicapés ont investi le nouveau bâtiment de Jambes et y apprennent à vivre en toute autonomie, avec l’aide d’éducateurs dévoués. D.R.

Un nouveau bâtiment vient s’ajouter aux 6 centres et nombreux appartements pour personnes adultes handicapées de l’ASBL du Centre Mutien-Marie. Cette acquisition est destinée aux personnes déficientes qui souhaitent et ont les capacités de vivre seuls avec un accompagnement ponctuel d’éducateurs spécialisés. Plus qu’un défi, un projet de vie.

L’ASBL Centre Mutien-Marie accueille et encadre des personnes mentalement déficientes depuis 1978.

Aujourd’hui, elle compte quatre centres de services d’accueil de jour (Ciney, Anthée, Jamagne, Yves-Gomezée), un service résidentiel de nuit, à Rosée, et un service de logements supervisés.

L’ASBL, c’est aussi 75 travailleurs qui s’engagent au quotidien dans un même objectif.

« Notre idéal, c’est la reconnaissance de la personne handicapée mentale dans ses droits et différences, ainsi que l’amélioration de sa qualité de vie », explique Michel Gengoux, directeur général de l’ASBL.

Les acteurs de l’ASBL doivent jongler entre les demandes de plus en plus nombreuses, le bien-être du résident et le manque de subsides dont ils sont souvent les premières victimes.

« Nous avons des subsides de l’AWIPH (Agence wallonne pour l’intégration des personnes handicapées) pour les salaires et les frais de fonctionnement, à hauteur de 2 500 000 euros. Mais ça ne couvre que ça et tout le reste, ou presque, c’est sur fonds propres », précise le directeur.
Quand l’ASBL a souhaité acheter un nouveau bâtiment pour y créer un nouveau service de logements surveillés, c’était donc sur fonds propres.

« Nous avons acheté cette maison via l’agence de gestion de patrimoine que nous avons créée enparallèle pour ces cas de figure. Il s’agit de l’ancienne Dexia de la rue de Dave à Jambes.Nous avons, en plus, dû y faire des travaux pour 100.000 euros. Nos résidents n’ont pas l’utilité d’un coffre-fort », poursuit Michel Gengoux.
Cette nouvelle acquisition n’a pas été choisie au hasard, tant au niveau de sa fonction que de son emplacement.

Aider les personnes handicapées dans leur apprentissage de l’autonomie quotidienne, et, à terme, pour ceux qui le peuvent, vers une désinstitutionnalisation, est l’objectif premier de l’ASBL.

Quant à l’emplacement, Jambes s’est imposé pour des raisons un peu cocasses.

« Nous avons consulté les futurs pensionnaires du nouveau bâtiment qui comptera 5 chambres individuelles et un appartement d’apprentissage à l’autonomie », confie le directeur.

« Ils ont tous réclamé Jambes. Quand on leur a demandé pourquoi, ils nous ont dit que c’était parce que leurs ateliers protégés où ils travaillaient y étaient implantés. Mais ils n’ont pas tardé à avouer que ce n’était pas leur seul objectif. En vérité? Trois d’entre eux avaient un autre intérêt à Jambes… leur petite copine! », sourit Michel Gengoux.

Lisiane Leclercq

UN LONG PROCESSUS  – Tout un dispositif d’encadrement mis en place jusqu’à l’autonomisation totale

Les différents centres que compte l’ASBL Mutien-Marie ne sont pas le fruit du hasard. Ils ont été créés au fur et à mesure d’une réflexion induite par une longue expérience de réalité de terrain. Au départ, il n’y avait que des centres de jour. Le travail combiné du centre et de la famille donne des résultats très encourageants.

Mais, quand famille il y a, elle vieillit en même temps que le pensionnaire et devient, à terme, incapable de s’occuper à temps plein de son proche parent. Ou elle envisage lucidement sa disparition et angoisse à l’idée que la personne déficiente se retrouve seule et démunie. C’est consciente de cette réalité que l’ASBL a créé le centre de nuit « La Chevalerie», à Rosée, en 2003.

Ce grand pas n’était en fait que le départ d’un dispositif efficace et nécessaire au bien-être des résidents qui, plus que toute autre chose, ont besoin de repères et de confiance. Chaque cas étant toutefois différent, de nombreuses personnes ont émis le souhait, et parfois le besoin, de quitter la communauté pour pouvoir voler de ses propres ailes, dans la mesure de ses possibilités.

L’ASBL a alors mis sur pied un nouveau service qui permet à ces personnes d’apprendre et d’évoluer vers plus d’autonomie dans un logement approprié avec un programme personnalisé et l’aide d’éducateurs qui passent les voir 1 à 3 fois par semaine selon les besoins. C’est le service de logements supervisés, qui compte des appartements disséminés partout dans la région et, aujourd’hui, une nouvelle maison à Jambes. Là-bas, ils peuvent vivre en petite communauté (jusqu’à 6) en attendant de, s’ils le souhaitent, vivre, à terme, seuls. C’est donc un dispositif bien rodé auquel ne manque qu’un maillon.

« Nous aimerions mettre au point un Service d’accompagnement pour les plus autonomes. Nous attendons le feu vert de l’AWIPH Ça bouclerait la boucle puisqu’il s’agit de la dernière étape avant la désinstitutionnalisation complète. Il s’agit d’un accompagnement, mais très ponctuel et à la demande de la personne déficiente », conclut Michel Gengoux, directeur de l’ASBL.

L.L.

UN BEAU PARCOURS – Grâce à l’ASBL, Samuel peut aujourd’hui avoir son chez lui

Samuel, 34 ans, jouit du dispositif mis en place par l’ASBL Mutien-Marie depuis de i2nombreuses années. Samuel est déficient mental dit modéré. Au départ, il a intégré le centre de jour  » La Roseraie» à Yves-Gomezée et rentrait chaque jour chez ses parents. Mais le jeune homme a dû faire face à des malheurs successifs. En 3 ans, il a perdu ses deux parents et sa grand-mère paternelle dont il était proche. Il a donc été pris en charge par l’ASBL qui l’a logé dans son service d’accueil de nuit de « La Chevalerie» à Rosée, pendant quelques années. Lors de son évaluation annuelle où les résidents peuvent réfléchir à un projet de vie, Samuel a exprimé le souhait de vivre seul. « J’avais envie de vivre seul comme mon papa (après le décès de sa maman) », confie-t-il.

« On a alors loué un gîte pour lui et deux autres pensionnaires qui nous avalent fait part du même désir », explique Michel Gengoux, directeur de l’ASBL. « C’était à la fois un test et un apprentissage qui a duré deux fois six mois », poursuit-il.

Le test ayant été concluant, Samuel s’est vu offrir l’occasion d’emménager dans une maison (logement surveillé) à Florennes.

Là, Marie-Laurence (éducatrice) lui rend visite une fois par semaine pour l’aider. « Je vais faire mes courses avec elle. Elle est super. Et elle fait mes lessives avec moi», précise Samuel, le sourire aux lèvres.

La journée, il continue à se rendre à « La Roseraie », où il passe ses journées dans différents ateliers manuels. Il adore peindre et jardiner mais, pour l’instant, n’envisage pas encore de travailler à l’extérieur du centre. « Je n’y pense pas. Ici, c’est chez moi. En plus, ça fait une semaine que j’ai une nouvelle copine… mais je ne vais pas trop vite« , conclut-il.

UN METIER, UN ENGAGEMENT – Vis ma vie d’éducateur pour déficients mentaux

« Quand on fait de l’humain, il n’y a jamais de mode d’emploi.» L.L

Six éducateurs SLS (Service de Logements Supervisés) s’investissent tous les jours pour rendre le quotidien des résidents le plus agréable possible. Aucune journée ne se ressemble et chaque jour amène son lot d’inattendu.

« Nous avons un métier humain, enrichissant et valorisant. On les voit évoluer chaque jour», explique Brigitte.

Leur métier, c’est d’accompagner les résidents déficients, mais assez autonomes pour vivre seuls ou en petite communauté, dans leurs tâches quotidiennes (courses, lessives, déplacements …). Chaque personne handicapée a des besoins différents, mais aussi des envies qui évoluent.

« Ils sont impliqués dans toutes les décisions qui les concernent. Ce que nous faisons, ce n’est pas de l’occupationnel, c’est un réel accompagnement pour aider à la réalisation de projets de vie. On leur apprend à devenir les plus autonomes possible ».

Un beau défi quotidien.