Le Tournevent – Les 20 ans

Merci à vous d’être venu fêter avec nous les 20 ans de notre service, le TOURNEVENT.

Dans un premier temps, je vais retracer la genèse du projet jusqu’en 1987, ensuite nous verrons les débuts de la section, son développement et la situation actuelle.

Après Christine Hermant qui a connu toute l’histoire du Tournevent, nous contera quelques anecdotes charmantes ou souvenirs cocasses. Pour terminer en beauté, nous fêterons les résidents qui sont là depuis la première heure et qui célèbrent leurs 20 ans aujourd’hui.

Pourquoi et comment est né le Tournevent ?

En 1978, quelques Frères des Ecoles Chrétiennes fondèrent le Centre Mutien-Marie à Philippeville, qui se composait d’un Institut Médico-Pédagogique (IMP) et d’une Ecole Secondaire Spéciale pour enfants en situation de handicap.

Bien vite, cette nouvelle association allait connaître un franc succès. Après un an ou deux, l’école comptait 120 élèves et l’Institut Médico-Pédagogique avait rempli facilement ses 60 places.

En 1983, suite à de nouvelles lois, l’A.S.B.L. se scinda en deux et se sépara de l’école qui allait connaître une vie autonome sous le nom : « Institut Notre-Dame « . Dorénavant, l’A.S.B.L. Centre Mutien-Marie pouvait concentrer ses forces pour se consacrer et se spécialiser dans l’aide psycho-médico-sociale auprès des enfants suivant une scolarité spéciale.

Le travail auprès des enfants était efficace. Un taux de réussite élevé dans l’enseignement spécial nous confortait dans nos objectifs mais une fois qu’ils quittaient l’école à l’âge légal plus rien dans la région n’était organisé pour les personnes handicapées adultes. Et nous retrouvions nos élèves, quelques mois après leur sortie, oisifs et désœuvrés. Ils perdaient leurs acquis et notre travail n’avait pas servi à grand chose. Le Centre Mutien-Marie crée un premier centre de jour pour adultes à Yves-Gomezée « LA ROSERAIE ». Vu l’immense succès de ce premier centre, un autre fut créé en 1987 sur le territoire d’Anthée-Onhaye. Il fut baptisé « LE TOURNEVENT » et pouvait accueillir à l’époque, 15 personnes adultes.

J’ai parfois l’impression, que comme pour « la belle au bois dormant », des bonnes fées sont passées près du berceau pour donner tous les talents au Tournevent, mais la fée CARABOSSE les a suivies pour égrener un chapelet de sortilèges. Je vous rassure tout de suite, comme dans les contes de fées, tout se termine bien.

Le Centre ouvre donc le 1° janvier 1987, plein de promesses et dès l’ouverture les premiers résidents, que nous fêterons tout à l’heure, se bousculent à la porte. Mais un premier maléfice frappe le jeune service et l’agrément pour des raisons qui encore aujourd’hui restent mystérieuses n’a été approuvé que le 1° mars 1987. Cette erreur administrative nous obligeait à rembourser deux mois de subsides, ce qui était totalement impossible vu la situation financière et aurait sans doute entraîné la chute de toute l’ASBL fort fragile alors. Mais une bonne fée a fait disparaître le rapport d’inspection qui soulignait cette situation. On m’a toujours prétendu à la Communauté Française qu’on n’avait jamais retrouvé ce rapport et que donc on ne pouvait rien nous réclamer.

Quand je suis arrivé en 1988, le Tournevent avait rempli toutes ses places et la pédagogie pour adultes commençait à déployer ses ailes. Tout semblait garantir un avenir serein et radieux. Mais un nouveau mal sournois allait ronger la jeune équipe d’encadrant. Des difficultés de communication interne, tout doucement, et puis de plus en plus violemment, allaient pourrir littéralement l’ambiance de travail. La confiance entre le chef éducateur et l’équipe disparut. Les réunions pédagogiques basées sur la suspicion se terminaient par des crises de larmes. Le travail était complètement bloqué, il fallait réagir : le Conseil d’Administration décida alors de mettre fin au contrat du chef éducateur et de confier la gestion pédagogique de la section à une éducatrice. Celle-ci n’avait malheureusement pas la carrure pour assumer une telle tâche. Nous dûmes interrompre le contrat de commun accord pour force majeure après quelques mois. Un pilier de la section, le frère Théo, me demanda une pause-carrière jusqu’à sa pension et quitta aussi le navire.Heureusement en 1998, nous pûmes acquérir cette belle propriété et quitter les bâtiments devenus exigus de la rue NASSAUT. La section se développait malgré tout, les dettes du passé étaient apurées. Marie-Claire, notre psychologue, venait apporter une compétence bien utile à l’équipe et Christine était devenue psychomotricienne. Nous étions agréés pour accueillir 20 personnes qui fréquentaient tous les jours notre centre.

Mais revenons à notre équipe. Elle s’était grandement renouvelée : fort jeune et sans leader, elle était désemparée. Une bonne fée nous envoya une nouvelle grâce : elle se nommait Sophie. Elle avait une longue expérience comme éducatrice et avait travaillé dans un centre de jour auparavant. Elle avait accepté de reprendre la responsabilité locale du TOURNEVENT. Son sourire radieux et ses beaux yeux bleus semblaient avoir éloigné les sombres nuages au-dessus du centre. Sa gentillesse résolvait naturellement les problèmes et une période ensoleillée s’annonçait enfin.

Le destin ne se satisfait pas d’histoire simple et une épreuve, la plus noire qui soit, allait de nouveau nous plonger dans la tristesse et le désarroi. Sophie allait être terrassée par une maladie qui l’emporta quelques mois plus tard laissant derrière elle une section et une famille éplorées.

Ses longues absences avaient déstabilisé l’équipe et nous devions reprendre notre bâton de pèlerin pour retrouver un responsable. Lors de nos entretiens, nous avions rencontré un professeur de pratiques professionnelles dans une école d’éducateurs et, qui plus est, était guide nature. Nous pensions avoir trouvé la perle rare et ses analyses théoriques sur la situation nous enchantaient. C’est plein d’espoir que nous l’avons engagé mais très vite nous allions devoir déchanter. Ne faut-il pas laisser les professeurs dans leur classe ?… Ils s’y sont si bien. Celui-ci n’a jamais su trouver l’enracinement nécessaire pour développer une dynamique de groupe ; après six mois il n’était plus du tout en mesure de diriger quoi que ce soit. La période d’essai s’achevait par un nouvel échec. Décidément Carabosse n’avait guère pitié de nous.

Fallait-il encore recruter sur l’extérieur ou susciter des vocations internes ? Pascale, l’Assistante Sociale de l’époque, soutenue par l’équipe, présenta sa candidature. Sa rigueur dans le travail et sa bonne intégration dans le groupe étaient des atouts prometteurs. Le Conseil d’Administration décida de lui confier cette tâche difficile après tant d’années d’errance. L’équipe en place était encore fort jeune et inexpérimentée. Mais tout doucement dès 2002, elle se stabilisa, Geneviève revint d’un long congé de maternité avec tout son bon sens, son expérience et sa créativité, une éducatrice d’un autre centre de jour, Véronique, vint renforcer l’équipe et en 2003 nous accueillions une éducatrice, Fabienne, qui venait de l’institut St Dominique forte d’une expérience de vingt ans et d’un sens artistique affiné. Elle allait apporter un souffle nouveau au Tournevent. Des éducateurs en place, Benjamin et Ismaël ont suivi et suivent encore d’ailleurs, des formations qualifiantes et les effets se firent rapidement sentir. Certains parents vinrent donner un coup de main à des activités spécifiques et le pain avait enfin un bon goût.

La princesse « Tournevent » pouvait se réveiller et montrer toute sa beauté. Des activités nouvelles virent le jour et nous commencions à obtenir des prix et des récompenses. Notre activité « carnaval » fut gratifiée par le fonds CERA. Nos productions artistiques furent exposées à l’AWIPH puis à Dinant. Nos pièces de théâtre furent primées par l’association « THE ‘AUTRE » et nous avons même eu le privilège d’un passage de près d’une heure sur l’antenne de la télévision locale. Le Tournevent est devenu un partenaire actif dans le cadre du « W-E bienvenue » et de la « Ronde de la Cervoise ». Toutes activités qui montrent l’intégration et la qualité du service. La malédiction de Carabosse a l’air d’avoir été définitivement bannie par les œuvres de la dernière et jeune fée… Mais soyons vigilant !

Je ne voudrais pas terminer ce conte sans évoquer quatre fées qui accompagnent avec amour le Tournevent depuis le berceau. La première, Rose, nous mitonne sa magie dans la cuisine ; la deuxième, Marie-Françoise veille sur les résidents avec ses médecines et ses onguents ; par son dynamisme légendaire, Agnès, donne du mouvement au TOURNEVENT et c’est par l’expression que la fée Christine entraîne chacun dans un monde enchanté. Sans elles, le Tournevent n’aurait peut-être pas pu traverser les épreuves que le destin lui a envoyées.Enfin, je voudrais remercier pour leur travail discret mais indispensable le service social, administratif et ouvrier : Isabelle, Lucia, Patrice, Michel, Luc et Ludvina.

Aujourd’hui nous accueillons près de 25 personnes et nous sommes plein de projets pour l’avenir. Des plans d’agrandissement du bâtiment sont sur le point d’être finalisés pour offrir un outil encore plus performant à cette équipe qui a décidé de se mettre, par un travail de qualité, à l’écoute et au service des personnes que nous accueillons. Je voudrais tout particulièrement remercier les parents qui ont malgré les difficultés du passé toujours continué à nous faire confiance et qui, aujourd’hui je le pense, peuvent-être satisfaits du service que nous leur rendons. Quant aux résidents que je croise tous les jours, je voudrais leur dire merci pour ce qu’ils sont et ce qu’ils m’apportent. Je vais vous raconter l’histoire du pot fêlé :

« Une vieille dame chinoise possédait deux grands pots, chacun suspendu au bout d’une perche qu’elle transportait, appuyée derrière son cou. Un des pots était fêlé, alors que l’autre pot était en parfait état et rapportait toujours sa pleine ration d’eau. A la fin de la longue marche du ruisseau vers la maison, le pot fêlé lui n’était plus qu’à moitié rempli d’eau. Tout ceci se déroula quotidiennement pendant deux années complètes, alors que la vieille dame ne rapportait chez elle qu’un pot et demi d’eau.

Bien sûr, le pot intact était très fier de ses accomplissements. Mais le pauvre pot fêlé lui avait honte de ses propres imperfections, et se sentait triste, car il ne pouvait faire que la moitié du travail pour lequel il avait été créé.

Après deux années de ce qu’il percevait comme un échec, il s’adressa un jour à la vieille dame, alors qu’ils étaient près du ruisseau.« J’ai honte de moi-même, parce que la fêlure sur mon côté laisse l’eau s’échapper tout le long du chemin lors du retour vers la maison. »La vieille dame sourit :

« As-tu remarqué qu’il y a des fleurs sur ton côté du chemin, et qu’il n’y en a pas de l’autre côté ?

J’ai toujours su à propos de ta fêlure, donc j’ai semé des graines de fleurs de ton côté du chemin et chaque jour, lors du retour à la maison, tu les arrosais. »

« Pendant deux ans, j’ai pu ainsi cueillir de superbes fleurs pour décorer la table. Sans toi, étant simplement tel que tu es, il n’aurait pu y avoir cette beauté pour agrémenter ma maison ». Merci donc à vous tous de me rappeler de prendre le temps de sentir les fleurs qui poussent sur le côté du chemin !